Je marche à côté du mensonge
Il y a foule dans le village spectral où je ne veux pas mourir
il y a foule dans ce monde où les voix s’entrechoquent chuchotant
des voix dangereuses qui m’alertent me préviennent de dangers imminents
des voix douceâtres qui travaillent tant pour mon bien-être
alors qu’un vent nauséabond de mauvais rêve se lève à chacun de leurs mots
il y a foule dans cet espace qui tend à s’amoindrir pour mieux m’inquiéter
mais la foule baveuse bavarde glisse sur mon dos tandis que je marche ailleurs
la foule n’a raison que de ceux qui lui prêtent une oreille attentive
ce ne sont que des êtres aux contours définitivement indécis
des êtres comme sur le point de disparaître à tout jamais
parce qu’ils n’ont d’existence que celle qu’on a la mansuétude de leur prêter
regardons-les s’agiter ces automates aux lèvres tombant avec régularité
mécaniquement comme découragés eux-mêmes par leur présence visqueuse
tout se passe comme si mon regard durci les honnissait à tout jamais
faisait rougir chacune de leurs paroles clinquantes et bienveillantes
mais je demeure devant la vitrine à me rire de cette faune présomptueuse
devant cette fenêtre que j’ai édifiée pour me séparer du mensonge
devant cette fenêtre qui donne sur ces simulacres qui se reproduisent
des simulacres qu’un air vivifiant pourrait faire tomber en poussière
des simulacres si fragiles si proches du néant qu’on voudrait les haïr
je me recule je tourne la tête le travail d’un autre rêve m’attend
j’ai assez contemplé cette foule qui se méprend sur la réalité
mon regard a assez donné de consistance nauséeuse au mensonge
j’ai trop longtemps oublié que le temps m’appartient désormais
l’œuvre est à venir et cette idée m’est fidèle comme un amour authentique.