Poème-futur (1)
je rentrai dans ce café
mais tout le monde était mort
et cet agonisant par terre qui fermait sa main sur ma jambe
me demandant du feu
et son sang continuait de couler
et je sortis à reculons comme si je voulais défier le temps
regarde-toi marcher et tu verras qui tu es
tu t'apercevras que tu continues de tituber
ensuite je me mis à errer dans les rues
les cheveux hérissés
l'esprit soudain rabougri
sous un ciel ayant perdu sa phosphorescence
terrifié à l'idée d'être piétiné écrasé par des bêtes fauves
des animaux furieux conscients d'être méprisés
soudain je ne voulus plus mourir comme hier
comme tout à l'heure comme toujours
et je me cachai derrière un monceau d'ordures parmi lesquelles j'aurais pu me trouver
mais je n'y vis que des visages hagards
ils auraient pu être les miens
reste près de toi en toi ne t'évade pas
ne te laisse pas dévorer par les rires
les bouches ne s'ouvrent que parce qu'elles ont faim
le sol tremblait des rats sans tête couraient
ils semblaient couiner comme moi
et une odeur putride commença de se lever
c'était comme si un rêve se détériorait
mais on ne peut penser bien longtemps aux rêves inauthentiques
ce serait trop facile
je finirais dans l'estomac de ces êtres devenus monstrueux
c'est peut-être moi le dernier poète
c'est ce que le sol qui hurle semble dire aussi
à moins que je ne sois un cadavre qui s'imagine vivant
comment savoir brusquement c'est le silence