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Les Vers Luisants
8 juillet 2016

Poème-futur (2)

les rats sont peut-être tous décédés

je sais qu'ils avaient perdu la raison

il n'y a pas d'autre explication possible

courbé je sors de ma cachette et j'entends des pas

mais je ne me retourne pas vers le pâle soleil

comme si des ordures avaient pris forme humaine

comme si leur idée était de devenir mes ombres

mais j'allonge le pas je laisse le soleil loin derrière moi

je les laisse très loin elles seraient capables de me faire du mal

il n'y a donc plus de vie humaine dans le nouveau monde

je m'arrête de marcher

je me fige une grimace commence à se former

et c'est comme si je vomissais le soleil

un soleil devenu infect me rendant livide

rendant livide ce sol qui sous peu va se craqueler

et plus rien ne sera possible

c'est donc moi le poète de l'après-monde

à moins que je ne meure à force de rendre le soleil

je me redresse les bras le long du corps

comme si l'horizon allait se reconstituer

mais je ne veux pas croire en la fin d'un monde

je me dis que ce serait trop facile

mon esprit continue de s'ouvrir il n'y a pas de raison

bientôt je serai vaste et je n'aurai plus à me cacher

je me dirai même que les animaux furieux ne furent qu'une illusion

le soleil ne sera plus terne

et je pleurerai pour la première fois de ma vie

dis-toi que tout cela n'existe peut-être pas

que tu ne marches peut-être pas sur des cadavres

ces rues n'ont donc plus d'existence tangible

et je ferme les yeux parce que le jour est devenu aveuglant

un jour comme je n'en ai jamais connu

un jour qui pourrait effacer tous les paysages tant il est blanchâtre

mais je continue de marcher

à force de vagabonder on finit bien par se retrouver

on finit par buter sur un miroir

ce miroir respirant comme un corps revenu à la vie

il n'attendait plus que vous pour vous faire renaître vous aussi

c'est bien cela et même si l'asphalte est saisi d'un mouvement ondulatoire

même si ce mouvement du sol est inédit

l'effroi celui de mes faux rêves d'antan

cet effroi n'est plus et c'est comme si une voix m'appelait

une voix du miroir ou des miroirs

les voix des miroirs de tous les miroirs

parce que les miroirs ont cette lumineuse tendance à se multiplier

dis-toi aussi que la fin de la réalité fallacieuse n'est plus très loin

dis-toi des tas de choses sache que tu auras toujours raison

touche le miroir il ne peut t'être hostile

dis-toi que les miroirs sont comme des âmes qui n'attendent que toi

et cette chaleur qui m'accable cette chaleur qui ne cesse de croître

mais il faut bien continuer d'errer même en enfer

même si tu ne crois pas à la vérité des miroirs

pourtant leur existence est pleine d'amour pour moi

il ne faut pas que je cesse de me le répéter

on ne fait que répéter la réalité c'est certain maintenant

il ne faut donc pas avoir peur de soi-même

ni du soleil aux dimensions devenues risibles

même les astres peuvent devenir négligeables

c'est ce que je me murmure tandis que le sol noircit

mais les miroirs me réfléchiront encore ces miroirs ne se brouillent pas

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