Je contemple le matin
En ce matin c’est comme si je voyais tout près la fin de quelque chose ou de la vie
comme si le poids du temps ne pouvait que susciter l’idée du néant
comme si une boule d’angoisse morbide m’arrêtait dans ma progression nerveuse
parce que tout devrait s’arrêter soudain en ce matin douloureux
et c’était froidement que je décidais marmonnant de fermer toute issue
le jour incongru menaçait de m’aspirer dans sa faille sournoise
mais c’était un jour que je ne reconnaissais pas et qui ne pouvait m’appartenir
un jour aux fleurs honteuses qui s’érigeront quand j’instaurerai une autre aurore
parce que j’ai encore la capacité de clore à jamais le drame de la vie
l’esprit regarde ses mains trembler du froid de la mort d’hier
à cette époque où les cendres se mêlaient aux râles du rat pris au piège
mais je ne vais pas pleurer sur ce cadavre immonde
sur ces vers qui désireraient tant augmenter en taille pour m’absorber
je ne vais pas poursuivre l’ancien jour qui me regardait pourrir
je vole les heures à la gloire tant espérée de l’instant
les tortures finissent toujours par sécher sur les joues
les horreurs arrêteront de battre dans ma poitrine souffreteuse
les mots encore enfouis sous la terre acquerront enfin un sens
le sens pénétrera comme une providence dans ma conscience
la conscience verra son avènement avec la nouvelle expérience
la certitude de l’avenir caresse ma nuque encore courbée
le doute hante les démons du réveil après la léthargie
le doute ne peut plus hanter le matin que j’ai inventé
je ne suis plus tout autre désormais dans le reflet que me renvoient mes mains.