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Les Vers Luisants
19 juillet 2016

Petites comédies sentimentales (7)

Il est évident que le métro, de même que le bus ou le tramway, a mauvaise presse aux yeux de beaucoup d'automoblistes chagrins et surtout méprisants, qui considèrent les transports en commun comme des lieux où s'agrège toute la plèbe désargentée; pourtant, certains voyages en métro peuvent, je ne crains pas de le dire, faire vivre des aventures merveilleuses qui, j'en conviens, tout de même, en horrifieraient plus d'un. On pourra toujours me rétorquer qu'en début de journée, après une nuit trop courte, il arrive souvent que l'on somnole dans le métro et que l'on fasse, par conséquent, de mauvais rêves; mais je tiens à dire que le femme-serpent qui se lovait à mes pieds ce matin et qui me lançait des regards sévères, de même que l'homme à tête de buffle et la femme à tête de rat, étaient bel et bien réels. Sortant une langue très longue, elle se mit à me lancer des anathèmes, soutenue, bien sûr, par tous les autres voyageurs, notamment l'homme à tête de porc qui, lui, devint carrément injurieux et même grossier à mon encontre.

Partagé entre l'émerveillement et la terreur d'être sacrifié par tous ces animaux qui, j'ose le dire, me haïssaient vraiment, je ne fis que balbutier devant toutes les huées et insultes qu'ils me lançaient; puis, tous ces gens devinrent vraiment infects, humiliants, commençant à me montrer du doigt, me honissant, plaisantant sur mon apparence physique, me trouvant très laid, d'une laideur vaiment humaine; puis la femme à tête de caniche, qui était assise en face moi, se leva pour me gifler, comme l'homme à tête de chameau. Je me levai, paniqué non seulement parce que les gifles se succédaient et qu'on me traitait d'assassin mais aussi et surtout parce que je venais de m'apercevoir que le métro ne s'arrêtait à aucun quai; et je ne pus que croire sur parole la femme-serpent qui me dit que cette ligne de métro n'avait plus de terminus, que son conducteur avait été dévoré, que c'était de sa faute, que les êtres humains avaient tous quelque chose à se reprocher. Mais elle tenta de me rassurer en me disant qu'on ne toucherait pas à ma chair qui devait être corrompue, tout en me faisant comprendre que je ne sortirai jamais de ce métro, que je purgeais une peine éternelle. L'hilarité fut générale.

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