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Les Vers Luisants
18 juillet 2016

Petites comédies sentimentales (6)

Comme d'habitude, Félix, à qui j'avais dit et répété de venir seul, ne m'avait pas écouté; il sentit tout de suite, quand je lui ouvris la porte, que j'étais gêné et même contrarié de le voir accompagné des mêmes énergumènes blafards, que j'avais dû supporter toute  une soirée, la semaine dernière,  des individus pratiquant un humour soit incompréhensible soit macabre; mais ce jour-là, les amis de Félix, dépassant toute mesure et désirant probablement s'amuser à me paniquer, m'apprirent, avec un petit sourire qui se voulait charmant et qui ne fit que  susciter ma grimace de dégoût, qu'ils revenaient, encore une fois, d'entre les morts pour me rendre visite. Puis ils firent l'éloge de mes ouvrages poétiques, dont Félix leur avait parlé et qu'ils avaient parcourus avec intérêt, regrettant tout de même que je sois si peu engageant, que je préfère me murer dans le silence plutôt que de les éclairer sur le sens de mes oeuvres; eux-mêmes avaient composé des poèmes pendant leur vie, mais, à leur mort, moment de lucidité, ils se rendirent compte que leurs textes étaient d'une affligeante médiocrité. Ils espéraient tout de même que je n'avais pas peur d'eux, car ils savaient bien tous les préjugés qui accablaient les fantômes qui, pour la plupart, étaient  bienveillants, même si, hélas, il fallait déplorer un certain nombre de brebis gâleuses.

Puis, comme je leur demandais s'ils voulaient boire ou manger quelque chose, ils me répondirent, poursuivant leur petit jeu idiot, que les morts n'ingéraient plus aucun aliment, qu'ils n'étaient plus nécessaire qu'ils boivent ou qu'ils mangent pour leur bien-être, puisqu'ils étaient devenus éternels; à ce moment-là, je me retins d'envoyer paître cette bande d'imbéciles qui n'avaient rien d'autre à faire que de jouer aux morts. Je servis tout de même un peu de vin à Félix qui, je le sentais, était déçu par ma perplexité, ma méfiance; il hochait la tête, me reprochant tout bas mon incrédulité, mes doutes quant à la vie après la mort. En fin de soirée, comme lui et ses amis allaient partir, il me dit qu'il reviendrait avec eux le surlendemain, parce que ces gens, il fallait que je l'accepte, étaient de vrais amis pour moi, comme pour lui; il ajouta qu'il reviendrait avec une belle surprise pour moi et que je n'avais aucune raison de douter de la bonne foi de nos amis et de garder le silence. En effet, quelle ne fut pas ma surprise de voir Félix venir, deux jours après, avec une très jolie femme qui me rendit subitement plus bavard et qui me raconta dans ses grandes lignes sa vie antérieure, me gratifiant de grands sourires; je me mis alors à croire aux fantômes. Comme Félix me sentait désormais plus confiant, ce qu'il ne manqua pas de dire à mes nouveaux amis, ceux-ci me promirent que, pour me prouver leur grande amitié, ils me feraient visiter le royaume des morts. Quant à moi, j'espérais avoir trouvé l'amour avec la femme fantôme. 

 

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