J’ai cessé de manquer à la vie
J’ai senti comme un doigt tremblant et timide
un frisson passer en douceur sur mes paupières closes
en ce matin où je croyais que mes membres se figeaient
j’ai ouvert les yeux sur un ciel phosphorescent et fendu en deux
tout se passait comme si je ne voulais pas revenir à moi
tout se passait comme si je ne pouvais concevoir l’existence
de cette vision qui éveillait tous mes sens et mon idéal
mais je gardais les yeux ouverts sur la vision qui me contemplait
je savais que je ne connaîtrais plus le sommeil de la pensée
je me doutais que la souffrance qui me courbait se diluerait
dans la bonté inespérée que le ciel brisé suscitait en moi
je ne pouvais demeurer toujours fermé à l’avènement de moi-même
je ne pouvais oublier à jamais les mots qui n’attendaient que moi
je peux alors nommer tous les lieux que je vais occuper
ces lieux renouvelés qui seront à jamais les miens
et non ces lieux lointains et délétères où on me faisait pourrir
ces lieux où je me sentais de jour en jour plus coupable
ces lieux humides et anciens qui marchaient sur moi
cette idée écrasante que le jour s’est perdu à jamais
ce désespoir inepte qui me poussait à ne plus me reconnaître
la grandiloquence de cette vie qui se prenait pour la mienne
l’errance qui conduisait fatalement à reculer dans le temps
le désir d’en finir une fois pour toutes avec le principe vital
l’amour déviant pour la douleur des rêves faisandés.